« Immersion »

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Dernier cours de la journée: mathématiques… Les élèves commencent très tôt le matin, vers 7h et finissent souvent après 18h.

Toujours cette même route. Poussiéreuse, grouillante de tout ce qui « roule-marche-court » et qui mène de partout à nul part, ou l’inverse, je ne sais même plus… Notre arrivée au CEG de Sékou est imminente, je me repère aux monticules d’ananas qui balisent la voie et apportent une douceur inégalable à un environnement où tout est si brusque.

Nous traversons un vaste terrain où paissent quelques bicyclettes, destriers aussi fidèles que faméliques, attendant de rentrer au bercail. Au fur et à mesure que nous avançons sous un soleil de plomb, ce qui ne semblait n’être qu’un mirage vaporeux se mue en une suite de bâtiments scolaires savamment ordonnés. Le calme détonnant qui sévit dans la cour contraste avec le trop-plein de vie qui s’évade de chaque classe, microcosmes grouillant d’élèves aux uniformes couleur sable qui me donnent l’impression de m’immiscer dans une étrange termitière, cathédrale fortuite d’un savoir que j’espère n’être pas éphémère.

Vie quotidienne d’un petit groupe d’élèves du CEG Houègbo.

Entrée dans une classe, les volets clos plongent mes yeux dans une obscurité qui révèle lentement l’arrangement géométrique des groupes d’élèves autour de ces éternels pupitres en bois. Étrange accueil, mélange déstabilisant de méfiance et de timidité, je ne suis pas vraiment à l’aise, eux non plus. J’ai ce sentiment étrange d’être l’invité qu’ils n’attendaient pas, cette classe de terminale me bouscule, défi séculaire et sans frontière.

La plupart des salles de cours ne sont pas terminées. À chaque rentrée scolaire il faudrait 2500 nouvelles salles pour absorber la croissance démographique que connaît le pays.

Volontaire désignée par cet auditoire attentiste, une jeune fille prend la parole pour présenter laconiquement la petite trentaine d’adolescents qui suivent ce cours d’anglais. Une poignée de rires gênés fusent délicatement et viennent lentement illuminer l’antre de cette leçon, la spontanéité délie les langues et sollicite malicieusement des zygomatiques engourdis par la réflexion: le face à face initial s’embourbe à présent dans une douceur émouvante.

Retour malgré moi à ce cours d’anglais et à ce qui avait tout pour être une visite d’une banalité nauséeuse. L’enseignant remobilise ses troupes et demande à une élève de présenter le texte qui, avant notre arrivée, mettait en ébullition la matière grise de ses disciples. Les explications de la jeune fille se faufilent jusqu’au plus profond de mon être et s’emparent de mes tripes jusqu’à ce que mes yeux ne puissent plus retenir ces larmes que je m’empresse de faire disparaître. Yovo désabusé, debout malgré moi devant cette classe de jeunes africains, je me fais raconter l’acte héroïque de Rosa Parks par cette élève qui, sans le savoir, vient de marquer ma Vie au fer rouge.

Seules quelques classe sont dotée d’électricité au CEG Sékou. À la fin des cours, un élève sort pour actionner l’interupteur.
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