« Peuls »

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Les enfants peuls, ancrés dans les traditions, portent dès tout petit les signes distinctifs de leurs clans. Beaucoup de fille ne sont pas scolarisée, là aussi la tradition exerce une pression énorme.

Hamidou a vendu son troupeau, celui que les anciens lui avaient offert lorsqu’il est devenu un homme, celui qu’il s’est vu confier pour bâtir sa propre vie de Peul… Il a vendu son troupeau, ça représente bien plus que de l’argent, ça représente un choix, son choix de ne pas devenir berger nomade, de ne pas faire ce que les siens font depuis la nuit des temps. Grâce à cela, il a pu payer son inscription à l’université et devenir enseignant d’anglais à Kandi, là même où les enfants peuls mènent leurs bêtes à pâturer, carrefour de transhumances séculaires vers le Togo ou la vallée de l’Ouémé.

Hamidou m’invite à le suivre, il m’explique que nous allons voir des cousins, qu’ici ils se connaissent tous, que les Peuls forment une sorte de nation qui les lie les uns aux autres, qu’ils sont réputés pour leur hospitalité mais qu’ils ne parlent pas ma langue… Nous marchons côte à côte, il pratique son anglais, j’apprends, je cherche à comprendre, passionnants échanges parfumés d’irréel.

Lorsque les troupeaux partent en migration saisonnière, les campements restent presque vides. Seuls les enfants, les femmes et les vieillards restent avec quelques bêtes.

Les champs autour du lycée sont criblés de petites cahutes coiffées de sorgho séché, les murs de terre ocre sont craquelés, brûlés par l’hostilité désertique qui sévit ici. Le coton vient d’être récolté et seules ont survécu quelques petites pelotes hirsutes mouchetant le paysage de touches neigeuses. Le sentier se tortille et nous mène à trois minuscules huttes. Tout est si calme : de discrets meuglements, il reste peu de bêtes, le gros des troupeaux s’en est allé depuis longtemps. Une femme est accroupie devant une marmite calcinée, elle remue tendrement les braises qui crépitent et rougissent timidement. Ses deux jeunes fils sont blottis contre elle, petits poussins nus et poussiéreux qui se cramponnent à leur mère ; les hommes ne sont pas là, à notre vue elle se retire timidement, le respect nous invite alors à rebrousser chemin.

Après les moissons, le sorgho est mis à sécher sur le toit des greniers.

Hamidou met le cap sur l’énorme baobab en contre-bas, nous coupons à travers champs, les jeunes bergers rigolent à notre vue et déguerpissent avec leurs moutons frisant l’hystérie. Nos pas réduisent en poussière les herbes agonisantes, du sol jaillissent de vieilles tiges de maïs torturées par le soleil. Nous passons au pied du vieil arbre, mémoire séculaire d’une région perfusée de souvenirs. Quelques mètres plus loin, tapie dans l’ombre salvatrice de cette colossale cathédrale végétale, nous découvrons une insignifiante cabane de bois. C’est là que vit cet attendrissant vieillard à la peau tannée par la vie. Assis sur sa natte, les genoux croisés, il écoute attentivement notre guide et nous offre un sourire gorgé de sagesse. Je ne sais pas ce qu’il attend silencieusement, peut-être que le temps passe, peut-être que des étrangers viennent à sa rencontre, peut-être qu’il n’attend rien mais qu’il prend juste le temps de vivre… Je m’installe à ses côtés, parenthèse muette qui s’incruste méticuleusement en moi.

Cette famille a bâti sa modeste cabane de bois non loin du vieux baobab.
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