Une suite d’allées poussiéreuses tailladées de cicatrices arides que l’Harmattan vient lécher rageusement, quelques moutons hagards regardant le temps se délabrer. Le Sahel est tapi non loin de là, patient, il sait que dans quelques années il pourra continuer son festin ; en attendant, la vie se fraie son chemin dans un dédale d’existences anonymes. Un groupe de femmes voilées a emprisonné quelques beignets transpirant dans de petits sacs opaques, la récréation est passée, les clients se font rares. Une fois de plus les bâtiments sont tous les mêmes, je me perds donc une fois de plus…
L’entrée d’un CEG, énième clone de ce que le pays propose du nord au sud : uniformité nationale qui noie chaque école dans la banalité. Maudite uniformité, maudite volonté de servir à chaque élève un même menu pédagogique à la sauce post décolonisation saupoudré d’une langue nationale qui n’a rien de maternelle. Et si l’amertume d’attentes éducatives utopiques avait eu raison de tous ces élèves flirtant dangereusement avec l’illettrisme ? Et si l’État s’était trompé de priorité ?
Pour espérer offrir une scolarisation décente aux enfants du pays, il faudrait construire 2500 salles de classe et former 2300 enseignants avant la prochaine rentrée… Qui parle de dissertation, de trigonométrie, de mitose ou de subjonctif plus-que-parfait? La réalité a perdu connaissance face à des velléités intellectuelles élitistes qui dictent les plans d’études, elle espère timidement se relever et ne pas dériver inlassablement.
Ici, je rencontre essentiellement des enseignants ignorant la vocation et soumis à la nécessité. Chaque jour leur apporte son lot de déception, terreau fertile où pourrait germer une résignation contagieuse; mais certains ont choisi de se battre malgré un idéal inatteignable. Pour eux, l’éducation est une nécessité humaine, une richesse intemporelle pour s’éloigner de l’ignorance et de ses pièges. Qu’ont-ils en retour ? Que gagnent-ils à part quelques francs par heure enseignée ? Quelques francs qui disparaîtront lors des éternelles grèves et qui ne survivront pas aux vacances, quelques francs qui mettront des semaines à quitter le ministère pour s’échouer finalement dans des poches sans fond.
Alors offrons-leur juste de la considération, nourrissons-les de reconnaissance, gavons-les de motivation !