Du vent, toujours du vent, des herbes sèches, un paysage aride saupoudré de vaches décharnées d’où naissent en douceur quelques bâtiments pastels. Recroquevillé dans cette rudesse sablonneuse, Champagnat n’est pas une école comme les autres, elle se démarque subtilement de tout ce qui l’entoure, asphyxiant les préjugés et se délectant des jugements.
Le soleil s’en est allé il y a peu, il reviendra. L’obscurité naissante m’accompagne en silence, nous nous promenons main dans la main, il lui suffit de quelques instants pour me laisser en pâture à une nuit charbonneuse. Un halo livide m’attire irrémédiablement derrière les manguiers, c’est là que convergent paisiblement les ombres mutiques qui me frôlent : deux petites bâtisses émergent de l’obscurité invitant ces dizaines de petites âmes à venir s’y recueillir. Une mosquée et une chapelle côte à côte, ici au milieu de nulle part, sanctuaires gémellaires unis dans leurs différences, bouleversante réalité qui a su prendre racine en ces terres hostiles à tout changement et dont les fruits mûriront sur ces bancs d’école.
En réponse à ce que le monde peut offrir de pire, je découvre ici un pari intemporel : miser sur la tolérance, sur la compréhension de l’autre, méticuleux laboratoire de la libre-pensée et de la prise de recul. L’audace a fait germer, au sein d’un collège catholique, des lieux de prière où petits musulmans et petits chrétiens se côtoieront et respecteront leurs fois respectives, timides embryons qui devront faire face aux velléités politico-religieuses du monde actuel et imposer leur ouverture à l’autre. Ici, le croissant et la croix ont décidé de ne pas se faire la guerre, ils ont préféré l’union à la division.
À l’heure où la méfiance et les élans sécuritaires cherchent à gangréner insidieusement les esprits, l’espoir m’assène une belle leçon de vie, là, dans ce dénuement le plus total.